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Ballan DIAKITE

UNE LETTRE A MA SŒUR

24 Octobre 2014 , Rédigé par Ballan DIAKITE

NB : Nous sommes en 1982. Cette histoire est tout à fait imaginaire !

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IL était une fois à Kalana, dans la région de Sikasso, une jeune fille du nom de Korian. Elle venait juste d’empocher son baccalauréat à l’âge de dix-huit ans.
Pendant que l’envie et l’impatience gagnaient de jour en jour son cœur d’aller continuer ses études à l’université de Bamako, ses parents la convoquèrent un beau soir après le diner, pour lui annoncer une nouvelle qui va tout de suite chavirer sa vie :

« Aura lieu ton mariage le mois prochain, à une semaine avant le mois sacré du Ramadan. Tu épouseras Mamourou, le fils ainé de mon demi-frère Yoro. J’espère, tu seras une bonne épouse pour ton mari… »

C’est en ces termes que son cher Père lui apprend la nouvelle…Mais ce que les Parents ne savent pas, c’est que la petite Korian est déjà amoureuse de Seybou, un camarade de classe avec qui elle entretient en secret une relation amoureuse depuis bien six mois. D’ailleurs, juste avant-hier, ils ont passé toute la journée ensemble, à la rivière, quand elle y était pour faire la lessive.

Bouleversée, choquée, interloquée, après deux jours de pleurs et de solitude ; elle décide d’écrire une lettre à Samba, son unique frère, parti pour les études au Maroc.
Dans la lettre elle relate les faits. Elle raconte et explique à son frère combien elle est amoureuse de son amant, combien ils s’aiment, combien elle tient à lui et surtout ne voudrait pas le perdre un jour…

Trois semaines plus tard, Korian reçut une lettre venant de son frère Samba, en réponse à la sienne. Après un moment d’hésitation et d’anxiété, elle décide enfin d’ouvrir la lettre :

« Ma sœur,
Ma tendre Korian;

J’ai lu ton message avec intérêt et attention. Et cela fait presque quatre heures que je réfléchis à tout ce que je dois te dire pour t’éclairer dans tes choix en cette période décisive de ta vie qu’est le mariage. Je te comprends, et je sais ce que tu vis présentement. Je te comprends car je sais que ton cœur est déchiré. Il est déchiré entre culture et tradition d’un coté et, l’amour de l’autre coté. Tes parents veulent pour toi un homme que tu n’aimes pas vraiment. Leur dire non, serait un affront ; une désobéissance ; un acte de déshonneur pour toute la famille.
Par contre si tu acceptes, tu trahirais ton cœur. Si tu acceptes, tu renoncerais à l’amour d’un jour et à tes fantaisies. Si tu acceptes, tu renoncerais à l’homme pour qui ton cœur chante matin, midi et soir ; cet homme qui occupe tes pensées le jour, et, qui s’impose comme un roi dans tes rêves la nuit…

Je te comprends, c’est pourquoi je te dis tout ça. Ton amant et ta famille ont tous les deux les yeux rivés vers toi. Tu es condamnée à choisir entre les deux. Tu devras faire un choix entre l’amour et l’honneur. Dans la réalité ce choix n’a jamais été facile. Et s’il faut dire la vérité, tu n’es pas la première dans une telle situation; et crois-moi, tu ne seras pas non plus la dernière. Avant toi, Kany dans « Sous l’orage » a vécu la même situation ; puis, Rodrigue et Chimène aussi dans le « Cid »… Disait Corneille, « l’amour n’est que plaisir, l’honneur est un devoir
».

Ma tendre Korian,
Ne brise pas l’honneur au profit de l’amour. S’il y a bien une chose qui te suivra et suivra toute ta progéniture, ce n’est pas l’amour que tu ressens pour ton amant, mais bien l’honneur qui a toujours été le tien, celui de ton père et de ta mère, et de toute la famille.
L’amour est plus fort que la haine. Mais tout comme la haine, l’amour est éphémère. C’est pourquoi l’amant d’aujourd’hui peut-être l’ennemi de demain ; et vis-versa.
Toute ma vie j’ai aimé ; et même là où je t’écris ces quelques mots, mon cœur palpite ardemment pour une demoiselle aux yeux ma
rron…


Je pense, ceux qui ont dit qu’on aime qu’une seule fois dans la vie, se sont trompés. On aime autant de fois qu’on traverse les heures, les jours, les semaines et les années. On aime autant de fois qu’on respire. Tant qu’on vit, on est appelé à aimer. Une histoire qui s’achève n’est autre qu’une conclusion à un chapitre donnant lieu à introduire un nouveau chapitre. Quand une porte se ferme, il y a toujours une autre qui s’ouvre à coté. Mais faut-il de la sagesse et de la vigilance pour s’en apercevoir. La nuit vient toujours avec ses merveilles quand le jour s’en va avec sa lumière pensant plongé ainsi le monde dans les ténèbres du désespoir. Et ainsi va la vie ; ainsi se succèdent les jours, et ainsi se succèdent les histoires d’amours, les unes après les autres.


Au risque de dire bonjour à la souffrance, tu ne donneras pas tout ton cœur à un seul être. L’amour c’est pour un jour, le mariage, pour toute une vie. Et puis, ce qu’on appelle amour, le véritable, vient avec le temps. Il vient avec le temps ; il se construit avec le temps ; puis avec le temps il s’en va. Rien d’autre ne restera, lorsqu’il s’en ira, si ce n’est l’amitié, le sens de la loyauté, de la fidélité et celui de l’honneur.

Ma tendre sœur,
L’amour rend peu de personnes sages.
Tu es si belle et tellement jeune, que tu as encore beaucoup de choses à apprendre de la vie. N’écoute pas que ton seul cœur mais écoute aussi ce que dit ton esprit. Dans la plupart des cas, le cœur ne réfléchi pas, il ne fait que sentir, il ne fait qu’aimer ou détester. Et s’il est blessé, plutôt que de se voir en coupable, il ne se voit qu’en victime le plus souvent. Le cœur manque de l’autocritique, pourtant cette dernière est l’essence même de la raison…
Je ne te dirai pas de choisir l’homme que tu aimes, encore moins, celui que les parents te propose. Je t’exhorte plutôt à la réflexion et à la pondération avant de te pencher vers un « Oui » ou un « Non
».

Un oui pourrait sauvegarder l’entente, l’harmonie, et sauver l’honneur de la famille. Chez nous au Manding, comme tu le sais, le mariage n’est pas seulement l’union entre un homme et une femme ; c’est aussi l’union de deux familles.
Tu portes dans ta main le flambeau de l’honneur de notre famille. Fais en sorte qu’il ne tombe jamais, sous aucun prétexte
.

Par contre si tu dis Non, tu deviendras une rebelle ; et par là tu t’attireras les malédictions des parents. Tu deviendras la honte de notre pauvre Maman, et le linge sale de toute la famille.

Tu m’as avoué que tu es amoureuse de ton amant Seybou. Ce qui veut dire que tu l’aimes un peu, beaucoup, peut-être à la folie… Tu m’excuseras du terme, mais on réfléchit peu quand on est amoureux. L’amour est sourd et aveugle. On voit en mal les conseils que les autres nous donnent quand on est amoureux. C’est pourquoi beaucoup de personnes ont du mal à être heureuses dans les relations amoureuses. Pour une deuxième fois je t’appelle à la réflexion, pas celle qui est hâtive et dépourvue de toute clairvoyance, mais celle qui est mure et qui tient compte de tous les aspects de la problématique.

Ma Sœur chérie,
L’amour d’un amant est bien plus fort que celui d’un mari. Pendant que l’amant te voit comme un objectif à atteindre par tous les moyens, un mari te voit comme acquis. Les deux n’éprouvent pas le même type d’amour pour toi. Parce qu’il a faim de toi, l’amant te voit comme un fruit juteux dont il faut cueillir impérativement ; pendant ce temps, le mari te verra comme un trésor à garder, à protéger et à conserver…

Mais ne minimise surtout pas le rôle des parents dans cette affaire. Ils savent c’est quoi le mariage. Tu es la preuve de ce témoignage. Personne ne voudrait du mal pour son enfant. Le souhait de tout parent est de voir son enfant épanouit, joyeux et tout heu
reux.

Aies confiance en toi, fais face à tes devoirs et à tes doutes avec rigueur et intégrité. Toi seule peux faire un bon choix ici. Tu te connais mieux que personne.
Cependant, tu dois savoir que dans la vie, chacun de nous est appelé un jour à assumer les conséquences de chacune de ses décisions. Plus tes décisions sont réfléchies, moins tu auras à te culpabiliser dans le futur
.

Ma très chère sœur,
Ma tendre Korian,
Je t’aime tellement… Mais à coté de cet amour mastodonte que je ressens pour toi, aussi je te sais intelligente, indulgente, sage et plutôt polie que capricieuse. C’est pourquoi en toi, je place ma confiance, au vu de tout ce que je viens de dire, pour faire un bon choix, un choix digne, un choix que tu n’auras pas à regretter un jou
r…

Je crois que je vais m’arrêter là. Ce n’est pas tout, mais ça doit suffire pour l’essentiel… enfin, je pense. Et puis, qui pourrait tout dire sans un ennui mortel ? Disait Montesquieu dans l’esprit des lois.


A minuit pile j’ai commencé à écrire. Maintenant sur ma montre, il est presque six heures. C’est le moment de la prière. Et comme toujours, je t’évoquerai toi et toute la famille dans cette prière que je m’apprête à accomplir.

Soies sage ma tendre,
Que Dieu te bén
isse !



De ton frère,
Samba !
».

A Suivre…

Ecrit par :
Ballan DIAKITE
.

UNE LETTRE A MA SŒUR
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